NIGHTCLUB, AVEC EMMA COSTANTINI
Projet major de promotion
École nationale supérieure d'architecture Paris Malaquais,
Champigny-sur-Marne, France, 2015


ON S’EST DEMANDÉ
QUI ÉTAIT CHAMPIGNY ?
À première vue peu bavarde, un peu chiante. Difficile de comprendre quelqu’un qui ne vous adresse pas la parole. Quand certaines villes vous tirent le bras, que Marseille le tord et que Brest vous le casse; Champigny elle, n’y touche pas beaucoup. Une traversée lisse et sans histoires brusquement entrecoupée par quelques reliques déviées du mouvement moderne : des grands ensembles. Malgré son mutisme, Champigny gueulait verticalement à peine arrivé sur le plateau des Mordacs.
Des lieux de vie plans masse, monumentaux, symétriques, banalisés, répétés, orthonormés à l’hystérie. On voyait dans ce quartier posé comme un objet, le fer de lance d’une crise identitaire : l’exemple type de ce qu’on a appelé la “politique des modèles” en France. Qui était responsable de cet ancien marécage aplani de béton de la fin des années 1960 ? L’organisme responsable de sa construction la SCIC (Société Civile Immobilière de la Caisse des dépôts et consignation). La SCIC, rappelons le, s’était imposée comme l’un des acteurs les plus influents de la politique des logements et de la reconfiguration urbaine des années 1950 jusqu’à la fin des années 1960. Une société structurée par des ingénieurs et non par des architectes. Influente par le caractère exemplaire de sa méthodologie constructive aussi rationnaliste que radicale. Une méthode prise comme modèle par la plupart des organismes pour financer et structurer l’urgence de la politique des logements à partir de l’hiver 1954. Des propos retrouvés, tenus par les dirigeants de la SCIC avaient marqué notre indignation et enclenché le caractère libertaire de notre intervention. Les jardins traités, encerclés d’unités de logements collectifs sont quasiment vides. Peu de passages si ce n’est pour aller et venir chez soi. En revanche, les “no man’s lands” mis à l’écart des bâtiments sont beaucoup plus fréquentés. Lieux de traversées et lieux des 400 coups; les habitants dessinent leurs propres “chemins des ânes”, leurs rues courbes. Ces espaces non construits déterminaient les lieux de notre intervention, en continuité avec les habitants. Nous avons commencé par entailler cette horizontalité, la malmener, la perturber selon le tracé des ânes. Une fois l’incision faite s’injecte une onde de choc. Le terrain plat et morne se revèle et se désagrège. Dans ces espaces souterrains sont enfouis des programmes influencés par la recherche d’une vie de quartier favorisée et détâchée de ses esthétiques radicales du quotidien. Un nightclub ou un marché. Reste la question sous-jacente de la monumentalité. Permanente et structurée par les volumes, par l’effacement des facades, l’hystérie du collectif et de ces numéros sur les portes. Nous ne nions pas la réponse apportée à l’urgence de la crise des logements, qu’aurions-nous fait ? Mais ce rapport des verticaux aux horizontaux laissé pour mort ne produit que du vide. Un vide inapproprié à l’échelle humaine. Car la monumentalité générée par ces vides est non seulement suggérée, mais pire encore, parfois mise en perspective.
La relation de ce quartier des Mordacs avec la tour hertzienne de Chennevières-sur-Marne (128m de béton à 400m de la première unité de logements) est extraordinairement forte et participe à cette mise en perspective de la monumentalité. Édifiant de tous points de vue un monument en tant que tel et effacant notamment la présence discrète d’un monument aux morts abimé voir oublié. Construite en 1972, sa construction transforma le quartier de facon préméditée. Le coeur de ses fondations faisant précisément front avec la première unité de logements du quartier. La ligne tracée entre les deux bâtis correspondant à la fois au centre d’implantation de la tour et au milieu exact de la barre de logements de 105m (52.5m/52.5m). Avec l’intervention de l’entaille pour un nightclub, nous brisons une partie de cette relation en changeant les perspectives, en atténuant cet environnement aussi brut qu’esthétisé. Cette intervention forme finalement un outil. Un outil de déviation d’une monumentalité collatérale et de révélation du sol dont l’écriture change et s'adapte en fonction des “rues courbes”, ces chemins des ânes.

WE ASKED OURSELVES
WHO THAT CITY WAS ?
At first glance, not very talkative. A bit annoying, even. Hard to understand someone who won’t speak to you. Some cities pull at your arm, Marseille twists it, Brest breaks it; Champigny, she barely touches it. A smooth crossing, uneventful — suddenly interrupted by a few relics gone astray from the modern movement: housing estates. Despite her silence, Champigny was shouting vertically the moment we reached the Mordacs plateau.
Mass-planned living spaces, monumental, symmetrical, standardized, repeated — orthonormal to the point of hysteria. In this neighborhood, sitting like an object, we could see the spearhead of an identity crisis: the perfect example of what came to be called the “model policy” in France. Who was behind this former swamp, flattened and buried under concrete in the late 1960s? The organization responsible: the SCIC (Société Civile Immobilière de la Caisse des Dépôts et Consignations). The SCIC, let’s remember, had imposed itself as one of the most influential players in housing policy and urban restructuring from the 1950s through the late 1960s. A company shaped by engineers, not architects Influential for the exemplary nature of its construction methods — as rationalist as they were radical. A methodology that became a model for most institutions financing and structuring the urgent housing policy that began after the winter of 1954. Certain statements made by SCIC leaders reignited our indignation and sparked the libertarian spirit behind our intervention. The gardens, enclosed by blocks of collective housing, are almost empty. Few people pass through — except to go to and from their homes. Meanwhile, the “no man’s lands” left aside between buildings are far more alive. Places of passage, of mischief; residents trace their own “donkey paths”, their curved streets. These unbuilt spaces defined the sites of our intervention — in continuity with the residents. We began by cutting into that horizontality, disturbing it, unsettling it — following the donkeys’ paths. Once the incision was made, a shockwave followed. The flat, dull ground revealed itself — and began to fall apart. Beneath the surface lay buried programs inspired by the search for neighborhood life, encouraged yet detached from the radical aesthetics of daily life. A nightclub, perhaps, or a market. Still, the underlying question of monumentality remains. Permanent, structured by volume, by the erasure of facades, by the hysteria of collectivity and those numbered doors. We don’t deny the response these buildings offered to the urgency of the housing crisis — what would we have done? But the relationship between the vertical and the horizontal, left for dead, produces only emptiness. An emptiness unfit for human scale. Because the monumentality born of these voids is not only suggested — worse, it’s sometimes put into perspective.
The relationship between the Mordacs district and the Chennevières-sur-Marne hertzian tower (128 meters of concrete, 400 meters from the first housing block) is extraordinarily strong, and part of this perspective of monumentality. It builds, from every point of view, a monument in itself — erasing the quiet presence of a damaged, nearly forgotten war memorial. Built in 1972, the tower’s construction transformed the neighborhood deliberately. Its foundations face directly onto the first housing block. The line drawn between the two corresponds both to the tower’s central axis and to the exact midpoint of the 105-meter housing bar (52.5m / 52.5m). With our intervention — the cut, the nightclub — we fracture that relationship, shift the perspectives, soften this brutal yet aestheticized environment. In the end, the intervention becomes a tool a tool for deviating collateral monumentality, for revealing the ground itself, whose writing changes and adapts to the “curved streets”, those donkey paths.

Black buildings + windows' projection lines = Why kids go to white zones for having fun






